mercredi 2 mai 2001

à propos de Copies qu'on forme

Les caricatures graphiques de Francis Blanchemanche

Les travaux de Francis Blanchemanche s'alimentent à deux sources.
La première est la caricature de presse, qui connut au siècle dernier des heures glorieuses, et fut revivifiée par la vague contestataire des années soixante. A ceci près que ce ne sont pas des visages ou des postures qu'il caricature, mais la fabrication et, je dirais, l'ingestion de l'information elle-même. La seconde est la pratique du montage, à la fois art et instrument de propagande majeurs, dans les années trente en prticulier. Francis Blanchemanche bat et tire les cartes des jeux d'images et de textes dont sont faites nos informations.
Il les redistribue, en adepte de l'art "loufoque", qui n'est autre qu'une pratique populaire de l'absurde.
Est-ce pour obéir au destin malicieusement inscrit dans son patronyme, dont l'initiale est presque une citation du nom de l'immortel auteur de Signé Furax ?

Il le fait assurément en fantaisiste, jouant à un autre jeu que celui prescrit par l'esprit de sérieux : l'esprit de l'imagination. Ses associations nouvelles, quasi aléatoires, pour arbitraires qu'elles se proposent à un premier degré, n'invitent pas à se soucier des évènements du monde comme d'une guigne. Il n'est pas populiste. Le jeu auquel il convie consiste à s'exercer à une lucidité supérieure, qui me semble être une forme éminente de résistance à la sottise. Le Moyen-Age s'y adonnait, sous la plume des plus grands humanistes.

Avons-nous oublié cette qualité de rire, qui n'est pas moqueur ni destructeur, mais en quelque sorte spirituel ? Sommes-nous toujours si loin, dans notre trépidante actualité, de la Nef des Fous décrite par Brant ?
Francis Blanchemanche nous embarque en la sienne, se gardant des lourdeurs de messages univoques, y compris de ceux autoproclamés anti-pensée-unique. On est alors par delà le droit d'auteur entendu au sens le plus strict : les écrits et les images sont en posture d'engendrement perpétuel, l'auteur étant - comme ce fut jadis le cas - celui qui ajoute, plutôt que celui qui a "créé".

Jean-Pierre Montier

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